La décarbonation des PME/ETI, un enjeu stratégique.
Cet article a été rédigé par Jean-Baptiste Vaujour, Professor of Practice à l’emlyon business school où il enseigne le conseil et la transformation soutenable des organisations.
Contexte global de la décarbonation : un impératif climatique
En amont de la COP 29 de Bakou, le Programme des Nations Unies pour l’environnement vient de publier son rapport sur l’écart des émissions (« emissions gap ») entre la trajectoire qui permettrait de respecter les objectifs de l’accord de Paris et la trajectoire sur laquelle l’économie mondiale est actuellement engagée. Le constat est édifiant, les scénarios de référence aboutissent tous à une augmentation des températures comprise entre +2.6°C et +3.1°C. Seuls les plus radicalement optimistes, impliquant un immense effort de décarbonation immédiat et soutenu, permettent de tenir le +1.5°C. Les plus pessimistes atterrissent à +4.5°C, au-delà même de l’horizon de référence des rapports du GIEC à +4°C.
Prise de conscience des entreprises, la décarbonation : une nécessité exogène et une réponse au marché
La bonne nouvelle est que les acteurs de l’économie semblent avoir saisi l’ampleur du défi. Un récent rapport du BCG avec Argos Wityu met ainsi en avant que 84% des mid-caps européennes estiment que la réduction des émissions de CO2 est soit importante, soit critique. Les principales raisons invoquées sont avant tout exogènes : les évolutions réglementaires (et donc le risque de transition) ou encore le prix de l’énergie. Mais la demande des clients apparait également de manière assez importante parmi les facteurs amenant les entreprises de taille intermédiaire à s’engager dans une démarche proactive. De manière intéressante, la demande venant des actionnaires, des employés ou encore la pression concurrentielle ne sont que des facteurs mineurs (mentionnés par seulement 20-25% des 700 entreprises européennes interrogées).
Les limites des actions actuelles : une approche réactive et partielle
La mise en œuvre de cette ambition est cependant là où le bât blesse, car seules 11% des entreprises interrogées avaient à la fois mesuré leur empreinte carbone et mis en place une feuille de route de décarbonation. Pour celles ayant engagé des mesures, les principales actions concernent les économies d’énergie et la sensibilisation des collaborateurs.
L’enjeu environnemental est abordé de manière réactive dans la plupart des cas, soit par rapport à des obligations légales, typiquement la CSRD, soit par rapport à la crise de l’énergie que l’Europe est en train de traverser. Cette approche est à la fois court-termiste et destructrice de valeur puisque la transformation est abordée comme une contrainte subie et non comme une orientation stratégique délibérément mûrie par l’entreprise et ses parties prenantes. Elle l’enferme dans un paradigme de petites étapes – économies d’énergie, sensibilisation – qui n’est pas cohérent avec la réalité de l’urgence climatique et avec les engagements politiques contraignants qui ont été pris d’atteindre la neutralité carbone à horizon 2050 et de réduire les émissions de 55% par rapport à 1990 d’ici à 2030.
La décarbonation comme levier stratégique : réinventer la proposition de valeur
La démarche de décarbonation est avant toute chose une réflexion sur la proposition de valeur. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la démarche ACT Pas-à-Pas commence par un diagnostic stratégique et la formulation d’une vision de long terme pour l’entreprise avant d’aborder la question de la feuille de route de décarbonation. L’enjeu pour l’entreprise est de réinventer son produit, et sa manière de le produire, et de faire de cette transformation un levier de croissance future. Le rythme de la transformation doit être commensuré avec les capacités de l’entreprise et de ses parties prenantes mais les premiers positionnés bénéficient d’une concurrence réduite, tout en réduisant leur risque de transition.
Jean-Baptiste Vaujour, Professor of Practice à l’emlyon business school